SENZA CENSURA N.21
november 2006
LA RÉSOLUTION 1701 A DONNÉ RAISON AUX AGRESSEURS
Pour Marie Debs
Afin que le démon ne se cache pas, une fois de plus, dans les détails
12 août 2006
En 1967, à la fin de la guerre des "Six jours", menée par Israël contre l'Egypte,
la Syrie et la Jordanie, Lord Caradon, représentant de sa Gracieuse majesté, a
rédigé une résolution qui prit le numéro 242. Dans une des clauses de cette
résolution, il fut dit qu'Israël doit "se retirer des territoires arabes occupés"
(en anglais : occupied territories).
Cependant, à la suite du vote de cette résolution, encore inappliquée jusqu'à
nos jours, des discussions se déroulèrent, tant sur le plan de la forme que sur
le plan de l'esprit de la langue. Le gouvernement israélien d'alors, et ceux qui
l'ont suivi, ont refusé d'appliquer la résolution sous prétexte que la phrase
anglaise ne contenait pas de déterminant (the), ce qui veut dire qu'il leur est
demandé tout simplement de se retirer " territoires arabes", non de tous, ce à
quoi ils se sont consignés. Et, ainsi, Al-Qods leur revient de droit (ainsi que
le Golan et les fermes de Chebaa).
Nous citons cet exemple, parce que nous avons peur des détails et des
sous-entendus que contient la nouvelle résolution (1701) du Conseil de sécurité
concernant le Liban, rédigée par John Bolton, ambassadeur des Etats-Unis en
coopération avec la diplomatie française et à laquelle furent introduits
plusieurs amendements jusqu'aux dernières secondes avant le vote. En effet, Ehud
Olmert, Premier ministre israélien, a déclaré sa satisfaction concernant les
amendements, parce qu'ils "ont pris en considération quelques-uns unes des
revendications israéliennes", dont un délai de 72 heures (jusqu'à lundi) avant
de mettre en application "un cessez-le-feu" immédiat, ce qui leur a permis d'avoir
plus de temps pour continuer leur agression terrestre et commettre d'autres
crimes, tant au Sud que dans la Békaa ou le Nord.
Ajoutons à ce retard quelques détails lus dans la déclaration finale faite par
Condoleeza Rice, peu après le vote, dont :
1. "le Hezbollah est maintenant sur la sellette ; il doit choisir ou la paix ou
bien la guerre" . En d'autres termes : Israël n'est point responsable de toute
la destruction faite et de tous les crimes commis ; il ne sera pas, non plus,
responsable de toute escalade à l'avenir.
2. Le premier cessez-le-feu sera suivi d'un second qui se fera sur la base des
pourparlers directs entre Israël et le Liban, compte non tenu du sort des fermes
de Chebaa ou de celui des détenus libanais dans les prisons israéliennes.
3. Un appel (ferme) est lancé à la Syrie et à l'Iran (mais non à Israël) de
respecter la souveraineté du gouvernement libanais (non des territoires libanais)
et la volonté de la société internationale.
Et, si nous étudions tous ces détails à la lumière du premier paragraphe de la
résolution 1701, qui appelle clairement à "un arrêt immédiat de toutes les
opérations offensives de la part d'Israël", nous sommes sûrs qu'Israël va
recourir (sans avoir à violer la résolution nouvelle) à des opérations dites "défensives",
chaque fois que cela lui est nécessaire, avec la bénédiction unanime des Etats
permanents au Conseil de sécurité et l'approbation des autres!
Il faut dire que tous les paragraphes à caractère exécutif et toutes les clauses
préliminaires penchent du côté d'Israël et rendent le Hezbollah seul responsable
de tous les malheurs du Liban et de la région. Ainsi, la prise des deux soldats
est considérée comme "une attaque" contre Israël ; et c'est cette attaque même
qui "a abouti à des centaines de tués et de blessés chez les deux parties et
causé de grands dommages dans l'infrastructure civile ainsi que le déplacement
forcé de centaines de milliers de personnes".
Que peut vouloir dire cette phrase, en clair ?
Elle dit que le gouvernement israélien peut, à la lumière du dixième paragraphe
préliminaire, demander réparation, y compris le prix des tanks et, même, des
bombes à fragmentation qu'il a jetées sur nos villes et nos villages et avec
lesquelles il a tué nos enfants.
Nous disons cela parce que nous avons déjà pâti d'une telle situation. N'avons-nous
pas, en 1983, payé aux troupes des Etats-Unis, venus dans le cadre de la "multinationale",
le prix, non seulement des fortifications érigées autour de leurs bases, mais
aussi des bombes que le porte-avions "New Jersey" avait lancées contre les
villes et villages du Mont Liban ?
Et si nous nous sommes arrêtés devant tous ces détails, c'est pour dire que la "société
internationale" et ses "nouveaux dirigeants" continuent assidûment leur ouvre
destructrice dans notre région sous prétexte de nous apporter la démocratie et
la paix. Ils oublient, toutefois, qu'une paix basée sur l'injustice ne peut pas
durer.
Voilà pourquoi, et revenant à la résolution 1701, nous ne pouvons que dénoncer
l'insistance (lourde) sur la nécessité pour le Liban d'appliquer rapidement le
contenu des résolutions 1559 et 1680 (datant des années 2004 et 2005) au
détriment de la résolution 242 qui stipule, depuis presque 40 ans, le retrait d'Israël
des territoires arabes occupés, dont les fermes de Chebaa sur lesquelles le
Conseil de sécurité nous dit qu'il "a pris note des propositions [du
gouvernement libanais] contenues dans les sept points". Et voilà pourquoi, il
faut demander des explications et des clarifications sur tous les détails et
tous les points ; parce que, depuis 1948, toutes les résolutions prises furent
vidées de leur contenu quand le moment de l'exécution était arrivé.
Il est vrai que la "nouvelle" résolution, amendée quelque peu par la diplomatie
française, stipule qu'Israël doit nous livrer la carte des mines laissées dans
notre pays et qui ont causé, jusqu'à nos jours, des centaines de morts et de
blessures graves (parmi les enfants notamment). Il est vrai aussi que le mandat
des forces internationales fut placé sous le contenu du chapitre six, ce qui
exclut, en principe, l'emploi de la force. Cependant, le nombre de ces forces,
leur armement et la possibilité d'élargir leurs prérogatives à tout le Liban en
font, non une force de paix mais de guerre ; surtout que rien n'est dit
concernant les agressions israéliennes, à part l'interdiction par ces forces de
la violation de nos airs par les avions israéliens. Ce qui peut laisser à penser
que si Israël voulait réutiliser notre eau pour son agriculture, elle peut le
faire.
La résolution 1701 a donné, comme nous le pensions, raison aux agresseurs et aux
criminels contre l'humanité. Elle leur a aussi accordé par la voie diplomatique
ce qu'ils ne rêvaient plus d'avoir par la guerre.
Cependant, cette victoire "à la Pyrrhus" ne saura sauver les alliés de Georges
Bush à Tel Aviv ; comme elle n'aura pas pour conséquence d'aboutir aux
dissensions qu'ils rêvent de pouvoir créer parmi les Libanais.
Nous voudrons les rassurer : la guerre civile n'aura pas lieu.
Marie NASSIF-DEBS
Beyrouth, le 12 août 2006
http://www.michelcollon.info